CONTRASTES

Publié le par Boyer Stephane

Chronique RCF du jeudi 07 juin 2007
Bonjour,
C’était lundi après midi. Il faisait beau. Je montais dans un train. Ce n’était pas un TGV mais un TER, un vieux TER. Sensation extraordinaire. Des sièges spacieux, une barre en métal pour poser ses pieds à quelques centimètres du sol, pas de tablettes, et des sièges qui sont en vis-à-vis. On peut ainsi se voir entre voyageurs. Il y a des sourires et des indifférences aussi, ayant peur de déranger par un regard trop pressant. Et pourtant, là, je sens que les discussions, l’échange pourrait commencer. Un partage avec des inconnus. Quelques mots mais pas plus seront échangés, des banalités alors qu’on aurait pu parler bien plus. Serions-nous devenus un peuple trop frileux et souvent incapable de parler avec l’inconnu.
Dans ce vieux TER, les fenêtres s’ouvrent. Il n’y a pas cette horreur de la climatisation, d’où l’on ressort avec une angine. Non, il y a le vent et le soleil. Il y a les vieux rideaux qui protègent du soleil trop chaud. Nous traversons la Bresse, le pays du Bugey. C’est plat mais c’est beau et nous arrivons vers Aix-les-Bains, avec – attention messieurs dames – vue sur le lac et les montagnes. D’un coup, l’orage s’abat. Il faut fermer à toute vitesse les vitres qui laissent l’eau rentrer. Les gouttes viennent réveiller un voisin assoupi. C’est rigolo et splendide. Je me dis que c’est sûrement une des dernières fois où je peux voyager ainsi. Dans quelques mois, des trains neufs, modernes (avec moins de places pour ses jambes, des fenêtres closes et la climatisation, avec le silence qui pèse, avec des tablettes où les hommes d’affaires posent leur ordinateur portable) seront livrés. Fini le vieux TER que je trouve pourtant bien agréable.
24 heures plus tard, ce n’est plus la même chose. Finies les joies du train et la beauté du paysage. Le visage que j’ai devant moi souffre. Cette femme qui est là est malade. Pas assez pour aller aux urgences où elle peut être accueillie et soignée sans conditions (ça ne va pas durer avec la franchise que nous prépare le gouvernement) et un peu trop pour rester dans cet état. Elle n’a pas de CMU, pas de papiers. Heureusement que mon médecin est sympa et il accepte de la recevoir gratuitement. La douleur va s’atténuer.
Quelques heures plus tard, c’est un jeune qui cherche du travail qui me parle. Il n’a pas rechigné à chaque fois qu’une agence d’intérim lui proposait une mission. Mais voilà, il n’a pas de qualification. Comme beaucoup, c’est un sans diplôme. Je n’ai pas dit sans capacité, sans talent, sans intelligence, mais juste comme des milliers de personnes : un sans diplôme. Dans notre monde technique, les diplômes sont comme des visas vers le monde de l’emploi. Dans sa voix, il y a du découragement en face des refus. J’essaie de donner de l’espoir, de regonfler les batteries. On actualise son CV et après quelques photocopies le voici reparti à la recherche d’une embauche.
C’est ainsi que va ma vie. Elle oscille entre de doux moments de bonheur et l’encouragement, la recherche de solutions pour ceux qui souffrent des blocages de notre société. Elle a par moment la saveur du miel et à d’autres celle du fiel, sachant assumer l’un et être comblé par l’autre. Un peu comme la vôtre, non ?
À la semaine prochaine.

Publié dans Société

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